Harmonie familiale : La République de Platon

Livre incroyablement révolutionnaire, l'homme prend conscience qu'il peut se construire selon ses choix mais que son comportement produit une Polis qui en retour le façonne également. Les deux sont en interaction. La règle de vie de l'un ne peut se considérer sans identifier la règle de vie du tout. Platon aborde donc la question en comparant la cité au corps de l'homme. Aujourd'hui, tout cela est désuet. Vive la modernité ! Personne ne réfléchit à sa règle de vie, et l'impact de notre polis (lois, nation, mais aussi entreprise, association...) sur nous n'intéresse personne.

Ce qui nous intéresse ici, c'est la justice en tant que moyen de concorde entre les hommes.

12 remarques issues des livres I, II et III de La République


Monday, May 28, 2012 15:17:34

1 La figure de Céphale nous rappelle l'impératif de la tradition pour perpétrer les "comportements qui fonctionnent". Céphale incarne cette partie de nous qui fait "comme on fait ici". C'est Céphale qui perpétue et constitue la culture d'une société, d'une entreprise, d'une famille.

Il nous interpelle sur la tradition française en matière de transmission d'entreprise. Existe-t-elle ?


2 Céphale transmet un capital par son industrie à son fils Polémarque. Ici, on retrouve le fonctionnement économique de la cité athénienne conforme à la boucle entrepreneuriale (voir Boucle entrepreneuriale), source d'autonomie et d'indépendance des familles athéniennes. Une fois cette situation atteinte par une majorité des familles, la demande de démocratie devient très forte. (voir également "Propriété et démocratie : réflexions de Christopher Lasch).

Nécessairement la demande de démocratie est nécessairement forte chez les actionnaires familiaux à moins que le père fondateur est imposé une autre vision de gouvernement.

Par ailleurs au regard de l'environnement hostile décrit dans la première partie, nous pouvons nous interroger sur la réelle demande de démocratie des français.

3 Nous apprenons qu'un des domaines de la justice est l'association (également l'argent et la guerre). L'association est fondée sur le lien de l'utilité. Tant que nous sommes utiles les uns aux autres la justice se maintient. La cité saine décrite dans le livre II est construite sur ce lien : artisans, éleveurs, cultivateurs,...produisent les biens nécessaires à chacun d'eux. Le lien de l'utilité apparaît également dans l'amitié. Même si la devise de Polémarque "rendre services à ses amis et nuire à ses ennemis" est remise en question par Socrate, celle-ci témoigne de l'importance du lien amical dans la cité.

Quel lien d'utilité peut-on trouver entre les actionnaires familiaux ? Nécessairement l'actionnariat familial doit devenir utile aux autres composantes pour que la justice apparaisse. Qui servir ?

Le "En quoi puis je t'aider mon ami ? " s'est transformé de nos jours en " partageons ensemble un bon saucisson". Le "servir" s'est déprécié: de vertu il s'est transformé en faiblesse.

4 Thrasymaque lance le débat : les chefs, les gouvernants sont comme des pasteurs qui élèvent leurs moutons pour mieux les tondre. Est-ce que les actionnaires familiaux sont au-dessus de tous pour mieux profiter des autres ? La cité est secouée par des groupes exerçant des rapport de force. Les actionnaires familiaux sont-ils un groupe parmi d'autres exerçant un rapport de force pour en profiter ?

Saturday, June 30, 2012 10:36:44

5. Avec Céphale, nous découvrons le niveau primaire de justice exigé par tous : pas de dettes envers quiconque. L'homme de bien ne doit avoir aucune dette. Il faut "rendre à chacun ce que l'on a reçu" nous dit le poète Simonide cité par Polémarque, le fils de Céphale. Cette règle de vie est un but pour nous tous. Nous refusons tout service de peur d'avoir une dette envers l'autre. La société moderne nous a libéré de cette charge, grâce à la loi et l'Etat. C'est aussi la définition d'Oscar Wilde du Socialisme :"le pouvoir qui nous délivrerait de la sordide nécessité de vivre avec les autres". Le "pas de dettes" implique également la défense de ses droits, de sa propriété. Ou pour le dire encore plus simplement, nous sommes aux niveaux de l'exigence de justice des enfants : "c'est pas juste" "c'est à moi pas à toi" "rends le moi" "maîtresse, il m'a prit mon..." "Il en a pris plus que moi"...

Pour les membres de la famille actionnaire, tant que ce besoin de justice constitue leur seule vision de justice, ils ne peuvent évoluer vers ce niveau de justice qui crée de l'harmonie. Je leur préconise alors de vendre leurs parts et de vivre leur vie sans dettes dans la société moderne.

6. Par ailleurs je constate quotidiennement que les hommes enclin à ce comportement (refus du service c-a-d de commerce avec les autres) sont aussi les plus solitaires, incapables de faire avec les autres. La seule possibilité pour faire ensemble est alors le système hiérarchique tel que présenté par Michel Crozier dans son livre "La société bloquée". Il me semble qu'ils constituent la majorité en France et que le législateur les conforte dans leur comportement. Il y a bien longtemps nous aurions dit en France fort à propos : "le commerce des hommes".  Aujourd'hui ce "commerce" est bannit.

Ici une double interrogation s'impose à la famille actionnaire : où en est le faire ensemble dans la famille mais également dans l'entreprise alors que la société française ne le stimule pas ?

Mardi, 3 juillet, 2012.

7. Combien sont les Céphale ? Combien sont les Polémarque ? Combien sont les Socrate ? Dans un premier temps, je me référais à la règle des 80/20 avant de prendre connaissance d'études marketing sur l'utilisation des sites web communautaires. Ces études annoncent un ratio de 90/9/1.

90 % de la population observent sans rien faire, 9 % de la population agissent selon les consensus, les pensées établies, la tradition et 1 % utilisent la raison pour révolutionner. Autrement dit, il y 90 % de la population qui se refusent de penser, 9% de la population qui pensent et agissent sans provoquer de changement et 1% de la population qui pensent, agissent, et cherchent à changer. Les tensions se dégagent des 9% de la population en opposition au 1% qui cherchent le changement. Socrate en paiera de sa vie.

Première remarque : peut être que quand ces deux populations sont en accord, elles entraînent les 90% dans le changement. Car c'est bien les 9% qui mènent une société. Les 1% n'arrivent à rien faire, encore moins persuader des gens qui ne veulent pas écouter (début du Livre I).

Deuxième remarque : La démocratie athénienne est la seule civilisation qui a incité les 90% à penser et agir au travers de l'assemblée démocratique (le Pnyx), les tribunaux du peuple et les comités de contrôle.

Troisième remarque : pourquoi 90% de la population ne pense pas ? C'est je crois, pour éviter toute remise en question pouvant provoquer un coûteux changement. On attendra sagement de se prendre un mur pour changer en invoquant le sort, les dieux (livre III). Mais aussi peut-être qu'ils sont dans une zone de confort qui leur sied.

En résumé, les Céphale sont 90% de la population, les Polémarque 9% et les Socrate 1%.

Pour la famille en affaires, deux gouvernances s'ouvrent à elle : soit elle admet que 90% de la famille ne s'engage dans rien et concentre ses efforts sur les 10%, soit elle met en place un système de gouvernance qui mobilise les 90%. Bien entendu au regard de l'Histoire, le premier choix est le plus pratique à mettre en place. Enfin nécessairement la gouvernance familiale sera initiée au départ par les 1% (Solon ?)

Vendredi, 13 juillet 2012

8.Pourquoi n'avez vous jamais eu de félicitations de la part de vos professeurs particuliers d'anglais ? Pourquoi votre médecin ne vous guérit pas de votre mal au ventre ? Pourquoi votre kinésithérapeute soigne votre mal de dos sans vous le retirer à jamais ? C'est parce que le "bénéfice secondaire" de leur métier, le salaire, vient nuire au bénéfice principal de leur métier. Tous veulent vous revoir afin de s'assurer une rente financière. Le salaire est le bénéfice de l'art secondaire dans tout art, l'art que Socrate appelle mercenaire. Il peut pervertir le travaille des hommes. Il n'y a aucun lien entre un métier et la rémunération perçue !

Pour la famille en affaires, il est ainsi primordiale que la rémunération des dirigeants soit suivie étroitement par un comité dédié dans le cadre de la gouvernance de l'entreprise.

Il est par ailleurs intéressant de noter que gouverner consiste à se soucier du bien des gouvernés. Les chefs sont au service des gouvernés. il y a une exigence, un devoir, une nécessité, ici fort intéressante.

Pour la famille en affaires, on soulignera que les dirigeants de l'entreprise travaillent pour le bénéfice de la famille et non pour le leur. Il est alors nécessaire qu'ils touchent une rétribution sous forme de salaire et sous forme de reconnaissance afin de garder leur motivation intacte. Dans la logique inverse, confier les clés à une personne ayant donc tous les pouvoirs est un très gros risque. En sous payant cette personne, on prend le risque de le désintéresser ou de le contraindre à abuser de son pouvoir à son profit. Le très bon artisan peut utiliser son art à l'encontre du bénéficiaire : Madoff est certainement le meilleur de tous les conseillers financiers de l'histoire.

Retour sur le "commerce des hommes" : Remarquons aussi au niveau sociétale que les fonctionnaires et  les politiques, se sont affranchis de l'art mercenaire. C'est pourquoi ils ont cette indignation face à cette art mercenaire qu'il vilipende et qui marque la différence entre eux et la société civile embourbée dans cet art "capitaliste".  Eux sont les blanches colombes pleines de pureté, les autres sont le vice incarné. Compte tenu du poids de cette population dans la population totale du pays, leur croyance s'ancre malheureusement dans la croyance nationale.


Lundi 20 août 2012 :

9 Les hommes de coeur, de courage, agissent non par la raison mais l'imagination, la croyance en des idées qui séduisent. Polémarque, Thrasymaque, font référence aux poètes pour répondre aux interrogations de Socrate.

Les 9% de la population qui conduisent la société par les partis, les média, la culture, font appel aux mythes, aux histoires réécrites qui plaisent. Ils adhèrent bien facilement à ce qui séduit dans l'air du temps. Ils n'en sont que plus violent, intolérant. Leurs convictions font appel non pas à la raison mais aux sentiments, seuls moteur de l'action humaine. Dès lors, il est impossible de les persuader. Ils dictent leurs convictions aux 90% de la population qui n'en ont pas et combattent violemment les 1% qui les remettent en question par la raison. (voir "Réfugiés")

Il faut donc se prémunir le plus tôt possible des croyances en inculquant les bonnes croyances aux plus jeunes. C'est pourquoi Socrate commence en premier pour l'éducation des gardiens par se soucier de leur imaginaire.

Pour la famille en affaire, il faut se soucier de l'histoire de la famille : ses mythes, ses succès, ses gloires, ses anecdotes... L'histoire familiale doit être transmise aux jeunes générations pour garder la motivation de la famille intacte.


Samedi 25 aout 2012 :

10 Glaucon invente le mythe de Gygès pour nous illustrer l'injustice. L'homme invisible se permet tous les forfaits ! Donc à l'inverse l'homme juste est celui qui est visible par tous.

C'est une idée fondamentale dans la cité juste. La visibilité donne confiance. Imaginez un instant que nous n'ayons plus d'informations au sujet du Président de la République et de son gouvernement. En combien de temps pensez-vous que la France sombrera dans le chaos ? Une semaine ? Un mois ? Trois mois ?

C'est pour cela qu'au travers des journaux télévisés nous sommes surinformés sur le gouvernement. Nous ne pouvons y échapper. A tel point qu'il nous semble que seul l'État agit en France.

Regardez le chef d'entreprise fondateur, il est présent du matin au soir dans son entreprise, sa porte est toujours ouverte...La famille en affaires se souciera tout particulièrement de la transmission des informations au sujet des affaires. La transparence est primordiale.

Elle est tellement primordiale qu'il faut même l'anticiper en posant tous les actes comme des actes dont on informera tout le monde. Dès lors on agit en conscience des autres, du tout, de l'ensemble.


11. - Vendredi 21 septembre 2012 - Dans la cité fiévreuse Platon va devoir mettre en place des gardiens de la justice. Il va alors s'inquiéter en premier lieu de leur formation. Son premier souci sera d'éduquer leur imaginaire et la première chose qu'il évoque dans ce domaine est la religion. Il critique la religion de son époque qui est violente, fratricide, pernicieuse et appelle à une religion d'un Dieu bon. Quelles sont alors les remarques ?

  • C'est l'imaginaire qui fait bouger les hommes. 
  • Il est incontournable que cette imagination soit dominée par une religion (sinon retour à la barbarie).
  • Il est impératif que cette religion les fasse agir en dikaiosune (justice).

Pour la famille en affaires, la religion est incontournable. Platon façonne une religion avec son objectif de dikaiosune (justice), on peut dès lors ce demander quelle religion est favorable aux objectifs de la famille en affaires ce qui fait échos aux travaux du sociologue Max Weber.


12- Vendredi 21 septembre 2012 - Platon aime le cordonnier. Le cordonnier travaille pour un besoin nécessaire de son client. Il est donc par son travail en harmonie avec la communauté, il est dans la dikaiosune (justice). Donc toute activité qui n'est pas un besoin nécessaire (versus futile) et qui n'est pas orienté vers la satisfaction du client ne conduit pas les hommes qui la pratique dans le chemin de l'harmonie de la communauté. Ils sont hors dikaiosune (justice). Nous pensons alors en premier lieu à la banque. Un jour un Thrasymaque de la banque m'a dit : "Je travaille d'abord pour la banque, après pour moi et en dernier lieu pour le client". Aujourd'hui plus qu'avant la banque n'a pas besoin de clients, elle sait faire de l'argent sur tout et dans des époques de croissance comme de crise. En conséquence, la famille en affaires doit veiller à ce que son affaire ne s'éloigne pas de la satisfaction du client et garder impérativement son indépendance de la banque.


Au delà de savoir être, au delà de comment s'y prendre, il manque la volonté de faire, l'élan du coeur qui fera advenir le tout. Ce mouvement du coeur est celui de l'amitié.



Sélection de texte de Philosophie Politique sur  par Famillesenaffaires.fr